mercredi 10 juin 2015

mon intervention lors de l'installation du nouveau procureur de la république d'Alençon



Le barreau d'Alençon vous souhaite la bienvenue Monsieur le Procureur.

Vous avez choisi, en ces temps de fusion de régions, de franchir cette Seine qui nous sépare, et vous montrez ainsi qu'il y a une vie judiciaire au-delà de Grand-Quevilly ou Sotteville, pour être équitable je vous rassure d'aucuns ont du mal à imaginer une vie au-delà d'Ifs ou Colombelles dans la périphérie caennaise ou au boulevard périphérique et du tunnel de St Cloud !

Vous succédez à Madame Etienne dont je veux à nouveau saluer l'action efficace, rapide et pertinente, sa personnalité, sa disponibilité.

Les avocats du Barreau d'Alençon sont des auxiliaires de justice indépendants, comme tous leurs confrères de France, soucieux de la défense des justiciables, tous, au pénal comme au civil, en tutelle comme en affaire prud'homale, en matière commerciale comme administrative.

Je cite volontairement tous ces aspects de notre action car vous arrivez dans un Tribunal dans lequel l'ambiance est sérieuse, cordiale quand il le faut, chaleureuse même, un ressort à taille humaine et qui souhaite garder ses atouts et sa diversité.

Vous allez découvrir au fil du temps la vie quotidienne, peut-être, je ne vous le souhaite pas, allez vous prendre une carte d'abonnement chez les marchands de pneus, je vous expliquerai, mais surtout vous devrez gérer les carences en moyens.

Nous serons à vos côtés chaque fois qu'il sera question d'obtenir le minimum qu'on peut attendre des pouvoirs publics, hélas nous sommes loin du compte.

Les avocats réclament, quémandent, une dotation d'aide juridictionnelle permettant cette défense de tous à laquelle je faisais allusion.

Les avocats, comme les magistrats se plaignent de l'insuffisance de personnel de greffe pour assister les magistrats eux aussi insuffisants en nombre.

Nous ne tolérons plus le manque de papier qui nous prive de copie de dossiers, nous ne tolérons plus de travailler sans être au moins indemnisés.

Nous ne tolérons plus d'être la variable d'ajustement permanente de l'incapacité de la chancellerie à gérer correctement ses affaires.

On nous prépare en douceur à un travail mutualisé avec Argentan, mais si la volonté c'est de fusionner nos Tribunaux de Grande Instance pourquoi ne pas nous le dire franchement ? Nous mettrions alors en place des groupes de travail, nous pourrions nous organiser et prévoir au lieu d'agir encore et toujours comme nous le faisons depuis 30 ans à la dernière minute.

Au lieu de cela, on nous cache des décisions, on rabote les dotations, on retarde des choix ; au final, on ne peut plus exercer nos métiers si importants pour notre pays et auxquels nous tenons tant, dans de bonnes conditions.

Quand nous nous sommes rencontrés vous avez utilisé le mot famille pour qualifier le monde judiciaire.

Vous m’avez indiqué que certains de vos aïeux étaient avocats, vous avez décidé de suivre une autre voie que je ne commenterai pas, mais  vu votre jeune âge encore la possibilité de vous rattraper et de suivre l’exemple de vos ainés familiaux !

Cette famille se doit d’être soudée car elle est un pilier de notre état de droit.

Notre constitution a accordé une place à part à l’autorité judiciaire et nous tous participons à son bon fonctionnement.

Si nous n’y prenons pas garde, nous allons montrer des signes de faiblesse et certains surveillent ces faiblesses de très près.

Nous nous devons d’être solidaires pour défendre l’aménagement du territoire judiciaire tel que nous le pensons.

Permettre à chacun de trouver dans chaque département au moins une justice complète, efficace, à taille humaine et non pas des grands pôles centralisés dénués de toute humanité.

Nous devons avoir l’exigence de bien faire et l’Etat doit avoir l’exigence de nous permettre de bien faire notre travail car il est capital pour notre liberté.

Ce ne sont pas là des revendications catégorielles mais je pense la juste expression d’une inquiétude pour notre famille.

Gardons cependant l’espoir, continuons Madame le Président à travailler comme nous le faisons ensemble !

 Monsieur le Procureur, la famille alençonnaise vous accueille chaleureusement.

Je vous réaffirme notre totale disponibilité pour faire avancer les choses, les faire évoluer, mais vous assure aussi de notre totale détermination à voir préserver notre indépendance, notre statut, ceci dans l'unique intérêt des justiciables.

J'ai beaucoup apprécié votre démarche de venir me rencontrer à l'ordre, vous confirmez ainsi cette ouverture au dialogue et au travail en commun que vous m'avez présentée lors de notre entretien et je vous en remercie.

Si avec vous, comme avec Madame Le Président, Madame la directrice de Greffe et tous ceux qui interviennent dans ce palais, nous pouvons maintenir le dialogue direct et simple, alors nous pourrons progresser et faire entendre une voix commune qui est la seule source d'espoir d'amélioration.

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